Un accord ambitieux :
Permettant de limiter le réchauffement climatique bien en deçà de 2°C d'ici la fin du siècle pour éviter des conséquences dramatiques et irréversibles pour les hommes et les écosystèmes. Afin de ne pas dépasser ce point de non retour, les émissions mondiales devront être réduites de 80% en 2050 par rapport à 1990. Concrètement, tous les pays devront participer. Les pays industrialisés, en s'engageant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40% d'ici à 2020, par rapport à 1990 et les pays en développement en s'engageant à dévier substantiellement leurs émissions en 2020 par rapport à un scénario « laissez faire ».
Un accord équitable :
- Reconnaissant la responsabilité première des pays industrialisés et leurs moyens financiers plus importants pour agir. Quelque soit l'angle sous laquelle la négociation de Copenhague est abordée, elle renvoie sans cesse au principe d'équité. Le développement était en 1997 et reste encore aujourd'hui une priorité pour les pays du Sud. Il est donc essentiel de concilier lutte contre la pauvreté et lutte contre le changement climatique.
Certes, aujourd'hui, les pays en développement émettent autant de gaz à effet de serre que les pays industrialisés mais leurs émissions par habitant restent 6 à 7 fois inférieures à ces derniers. Par ailleurs, les pays en développement ne portent pas la même responsabilité historique que les pays industrialisés. Enfin, ils ne bénéficient pas des mêmes capacités financières pour agir. En Chine et en Inde, 1,5 milliards de personnes vivent encore avec moins de 2 dollars par jour.
C'est sur la base de ce principe d'équité que la Communauté internationale a passé un accord fin 2007 à Bali : les pays en développement ont accepté de limiter, dès 2013, leurs émissions de gaz à effet de serre mais à condition d'être soutenus financièrement et technologiquement par les pays industrialisés. Le message était clair : ne pas passer par « la case carbone » des pays industrialisés représente un coût que les pays industrialisés, du fait de leurs plus grandes responsabilités et capacités, se doivent d'assumer. Sans oublier que la question du soutien financier concerne, au delà de la réduction des émissions, l'adaptation des pays les plus pauvres, premières victimes des effets du changement climatique.
Mais depuis fin 2007, les négociations se sont enlisées dans un débat qualifié par certains du « dilemme de la poule et de l'oeuf » : les pays industrialisés refusant de s'engager sur un soutien financier tant que les pays en développement n'annonçaient pas leurs intentions en matière de réduction de leurs émissions, les pays en développement refusant d'annoncer des plans de limitation de leurs émissions sans savoir au préalable de quel soutien financier ils pourraient disposer pour les mettre en oeuvre.
Ce débat sur la réduction des émissions a eu par ailleurs pour effet pervers de prendre en otage les pays les plus pauvres pour qui le soutien à l'adaptation est une priorité.
Mais Copenhague n'est pas fini et l'obtention d'un accord à la hauteur du défi est à notre portée.
Pour cela, les pays industrialisés doivent proposer des objectifs cohérents avec les données scientifiques. Jusqu'à présent, les objectifs qu'ils ont annoncés se situent dans une maigre fourchette de -10% à -18% pour 2020 par rapport à 1990. Autant dire que les données scientifiques ont été reléguées aux oubliettes...
Par ailleurs, les pays industrialisés doivent s'engager à soutenir les pays en développement via un financement public d'au minimum à 140 milliards d'euros par an. Il s'agit d'une somme atteignable, pour peu que les pays industrialisés fassent du changement climatique une de leurs priorités, ailleurs que dans leurs discours. De nouveaux mécanismes pour lever cette somme ont été proposés comme la taxe sur le secteur aérien et maritime international ou l'utilisation du revenu de la mise aux enchères des droits d'émettre des pays industrialisés. Leur adoption présenterait deux avantages considérables :
− sortir du système de contributions volontaires des pays, véritable talon d'Achille de la Convention climat et de son protocole ;
− éviter que les pays industrialisés ne recyclent leur aide publique au développement en financements climat, tentation forte en ces temps de crise....
Mais les chiffres ne seront pas tout pour faire de Copenhague un succès. L'arbre peut parfois cacher la forêt. Les modalités de mise en oeuvre seront tout aussi importantes pour éviter de négocier, à côté des objectifs, des échappatoires qui nuiraient à l'intégrité environnementale du système.
Il en va ainsi de la question de la compensation des émissions des pays industrialisés via l'utilisation des mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto. Pour remédier durablement au problème du changement climatique, les modes de production et de consommation au Nord devront être profondément modifiés. Les pays industrialisés doivent donc s'engager à réduire leurs émissions de 30% au minimum sur leur propre territoire avant de recourir à des mécanismes de compensation de leurs émissions par le biais de projets menés au Sud.
Le problème qualifié d'air chaud devra aussi être solutionné. Certains pays industrialisés, en particulier la Russie et certains pays d'Europe de l'Est, ont bénéficié d'une autorisation d'émettre plus que généreuse lors de la conclusion du protocole de Kyoto. Il en résulte aujourd'hui un surplus de droits d'émettre qui pourra, en vertu des règles du protocole de Kyoto, être reporté sur la période d'engagement suivante. Cet « air chaud » représente actuellement un tiers des objectifs de réduction prévus par les pays industrialisés pour la seconde période d'engagement.
Enfin, il sera impératif de s'accorder sur un régime de respect des obligations et de sanctions. Copenhague doit aboutir à des engagements juridiquement contraignants. Un mécanisme de sanctions existe déjà sous le protocole de Kyoto. Il devra a minima être maintenu, n'en déplaisent aux Etats Unis, et être renforcé via des sanctions financières en cas de défaillance.
En somme, contrairement à que qu'on peut entendre ici et là, ce n'est pas d'un manque de temps dont nous souffrons pour conclure un accord ambitieux et équitable à Copenhague mais clairement d'un manque de volonté politique des grands dirigeants de ce monde.
Morgane Créach
Directrice du pôle International au Réseau Action Climat – France (RAC-F)